Page d'histoire : L'Europe dans la tourmente : de Vaucelles à Cateau-Cambrésis 5 février 1556 - 3 avril 1559

La France sous le règne d’Henri II est engagée dans un long conflit avec l’Empire. Une série d’événements remet en question l’équilibre du monde. La trêve de Vaucelles (5 février 1556), ratifiée par Charles Quint et par son fils Philippe et par le roi d’Angleterre, s’applique aux alliés de la France : les évêques de Metz, Toul et Verdun, l’abbé de Gorze près de Metz et, en Italie, les Carafa, Farnèse, Orsini et même les fuorusciti bannis de Florence et Sienne. Le pape Paul II pour masquer son hostilité envers l’Empereur charge son neveu, le cardinal Carlo Carafa, de s’engager militairement contre les Espagnols qui, en septembre 1556, ont envahi l’État pontifical. Contre eux, le pape reçoit l’aide d’une armée commandée par le duc François de Guise, renforcée par les troupes d’Hercule d’Este.

En même temps, le Jeudi saint, 10 avril 1557, le pontife excommunie Charles Quint et Philippe II. Une lutte acharnée s’engage entre amis et adversaires de la France mais le Saint-Siège est incapable d’y faire face. Les hostilités sont des plus violentes autour de Saint-Quentin, assiégée par le duc de Savoie. La place est mise à sac en août 1557. Cette défaite de la France est à peine compensée par la conquête de Calais par le duc de Guise en janvier 1558. L’entourage royal est mis à mal, notamment par la capture du connétable de Montmorency et du maréchal de Saint-André, les deux principaux chefs de l’armée française. Cependant en décembre 1558, reprennent les négociations de paix à Cateau-Cambrésis, sous l’égide des Espagnols et de la duchesse Christine de Lorraine. Philippe II vient de perdre son père, Charles Quint, le 21 septembre 1558, puis son épouse Marie Tudor, le 17 novembre. En accord avec Paul II, il vise désormais à reprendre en mains son royaume où des problèmes concrets doivent être réglés. On avait envisagé de mener les négociations dans l’abbaye de Cercamps mais, sur la proposition de la duchesse douairière de Lorraine, on décide de se réunir à Cateau-Cambrésis où l’évêque de Cambrai possède un château entouré de places où s’installeront Espagnols et Français. Les discussions commencent le 11 février 1559. Les conditions de rétablissement de la paix varient d’une place à l’autre, assorties de clauses de restitutions et de projets d’unions dynastiques : ainsi à 13 ans, Élisabeth, fille d’Henri II, est fiancée à Philippe II, pendant que sa tante Marguerite, sœur d’Henri II, âgée de trente-six ans, épouse le duc de Savoie, Emmanuel Philibert, qui devra restituer à la France la Savoie et le Piémont.

Le 6 avril 1559, la paix est criée dans les rues de Paris. Mais l’exécution du traité est pénible pour les Français en Italie où les détenteurs de place sont partout remplis d’amertume. La libération des otages tant en Angleterre qu’en France semble avoir mis fin au contentieux entre les deux couronnes. La reine Élisabeth d’Angleterre n’a pourtant pas renoncé à sa prétention de prendre les armes de France. Nombreux sont les seigneurs qui ont été retenus prisonniers dans le conflit avec l’Espagne. Ils seront libérés, en même temps que doivent l’être les otages espagnols. La lassitude des belligérants trouve heureusement sa compensation dans les mariages princiers convenus au moment de la paix. Mais en juin les joutes de la rue Saint-Antoine à Paris débouchent le 10 juillet 1559 sur la mort d’Henri II. Cette issue tragique oblige les adversaires à reconsidérer leurs places respectives en Europe et à préparer le redéploiement de leurs forces. La nécessité de mobiliser les protagonistes se manifeste dans l’examen des moyens de faire face aux nouvelles conditions politiques. Le règlement du contentieux s’impose aussi bien dans le domaine économique que religieux, avec le développement de la Réforme. Alors que les hommes sont partout engagés dans de violentes actions, leurs épouses et compagnes prennent une part grandissante dans les contacts noués dans les Cours comme hors de leur cadre. Désormais elles jouent un rôle essentiel pour rapprocher les adversaires et garantir par des unions matrimoniales une entente grandissante entre protagonistes. Le rôle des dames sort de la pénombre pour s’étaler au grand soleil. Catherine de Médicis, aussi bien qu’Élisabeth d’Angleterre, révèlent des qualités exceptionnelles qui les placent au premier rang des dirigeants de l’État moderne.

Ivan Cloulas
conservateur général du patrimoine
écrivain

Source: Commemorations Collection 2009

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